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Gel : des producteurs meurtris mais pas abattus

Vignes et vergers stressés par dix jours de gel se remettent lentement. Pour nombre de bourgeons et d’embryons de pépins, les couleurs grises et noires se passent de commentaires, la messe est dite.

Les vignerons relèvent la tête tout en méditant sur les évènements et leurs pratiques de taille.

Sur les baguettes, les feuilles des vignes se déploient lentement. Jusqu’en début de semaine, la température au lever du jour a continué de flirter avec le zéro.

 

A St Georges-sur-Cher (41) comme à Bléré, Aurélie Mançois et Arnaud Ponlevoy ont assisté au retour de l’hiver dès le lundi 5 avril. « La masse d’air froid a saisi les vignes comme une volée de bois vert, l’air est tombé à – 8 °C », décrit Aurélie Mançois, associée du domaine des Pierres d’Aurèle. Les bois qui encerclent une partie des vignes ont partiellement limité la casse, sauf dans la parcelle exposée au vent polaire. Heureusement, la viticultrice et son conjoint Pierre-Jean Frot ont systématisé sur les zones présumées gélives - environ 9 ha - « la taille à la malbrot », consistant à laisser longues les baguettes conservées. Une technique qui porte ses fruits.

 

« Sous le choc, j’ai estimé la perte à 70 % sur toute l’exploitation, désormais j’espère une demi-récolte, reconnaît Aurélie. Nous sommes assurés, c’est un passage obligé pour nous. Avant, un vigneron gelant une fois par décade pouvait espérer s’auto-assurer, mais désormais c’est terminé. »

 

A Bléré, Arnaud Ponlevoy, vigneron et céréalier associé avec son frère, est lui aussi assuré pour l’ensemble de l’exploitation, soit 322 ha dont 22 ha de vignes. Chez eux, les vignes sont gelées entre 10 et 80 %. Le chantier de taille s’étale sur 4 mois et 15 % de la surface est taillée tardivement. Là encore, cette précaution a limité la casse. Mais pour les vignerons, il est impossible de tailler tout un vignoble en mars. « Nous avons commencé à nous assurer en 2016, année où nous avons eu le gel et la crue du Cher. En 2017, nous avons grêlé et puis de nouveau le gel en 2019. Cette fois, je pense être confronté à une ampleur de gel identique à 2016. Si nous ne subissons pas d’autres aléas, nous vendangerons peut-être 40 hl/ha ».

 

Élan de solidarité

Si l’ouest du département fut globalement moins touché, certains secteurs « ont pris cher ». C’est le cas des vignes bourgueilloises de St Patrice et d’Ingrandes. Denis Gambier du domaine des Ouches estime la perte de bourgeons débourrés à 50 %. Le domaine de 16 ha n’est plus assuré, le niveau de la franchise et le calcul du rendement moyen excluant les deux années extrêmes sur cinq ans ont dissuadé les frères Gambier. Possesseurs d’une vieille éolienne dont un engrenage a lâché la seconde nuit de gel, ils ont décidé de remettre au programme de l’hiver, eux aussi, la taille en deux phases, la baguette étant ramenée à la longueur légale une fois le risque de gel passé. Pour Denis Gambier, il est clair que le débourrement tardif est un moyen efficace pour limiter la casse, quand le gel frappe en début de saison.

 

Localement, ce sont les vignes du lieu-dit les Blottières, réputées peu gélives et donc taillées en premier, qui ont été les plus atteintes. Les vignerons du secteur y craignent une destruction à 80 %. Dans les jours qui ont suivi les premiers gels, le domaine des Ouches a pulvérisé de l’engrais foliaire, vendu comme protecteur de feuillage. « Pour l’instant, il est encore trop tôt pour estimer l’ampleur des pertes », reconnaît Jean-Luc Duveau, coprésident de l’appellation qui cite d’autres zones gelées à Chouzé et La Chapelle- sur-Loire.

 

A 70 km à l’est, à Vernou-sur-Brenne (AOC vouvray), Damien Pinon embrasse du regard le vaste plateau viticole de la rue Neuve largement mordu par le gel. « Des dégâts, on en a tous eu un peu chaque jour durant dix jours, avec un point d’orgue les mardi et mercredi suivant Pâques. Les sondes ont marqué – 5 °C à 30 cm. Dans certaines parcelles, 80 % des bourgeons sont détruits, j’estime sur ce secteur la perte globale sur les vignes du plateau à 50 %. Pourtant tout le monde s’y est mis, vignerons, salariés, amis pour collecter paille et foin, organiser les feux fumigènes en fonction de la direction du vent, les allumer, les entretenir. »

 

Un élan de solidarité régulièrement cité dans les appellations et par les arboriculteurs. « Ça fait du bien, nous avions tendance à bosser tous chacun chez soi, on se croisait, là on a joué collectif. »

 


Arboriculture /

Besoin d’eau pour l’aspersion

Si les arboriculteurs ridellois subissent plus souvent qu’à leur tour le gel, leurs collègues de St-Aubin-le-Dépeint ont été surpris par la férocité du froid sur des vergers habituellement préservés.

Dans le nord-ouest tourangeau, les variétés de pommes n’ont pas toutes réagi à l’unisson face au froid. Si granny paraît moins pénalisée, canada, chanteclerc, elstar, reine des reinettes et jazz présentent des coeurs de fleur noirs.

Les arboriculteurs ont engagé tous leurs moyens disponibles « mais l’effectif de 400 bougies par hectare s’est révélé parfois insuffisant, constatent désabusés Nicolas Métayer et Sébastien Delareux. En revanche, l’intégrité de tous les arbres protégés par aspersion est intacte. Là où c’est possible, il faut augmenter notre capacité en créant de nouvelles réserves. La procédure actuelle est lourde, les études imposées beaucoup trop chères. Si le gouvernement veut vraiment aider la production et l’indépendance alimentaire du pays, il doit alléger et dépoussiérer tout ça. Les services de l’Etat doivent épauler les producteurs dans ces projets avec un a priori favorable à partir du moment où ils sont justifiés. Les réserves d’eau ne sont pas à proscrire d’entrée, elles créent de nouveaux écosystèmes et on peut imaginer le prolongement de la réserve par une petite zone humide. »

Quant à l’assurance, Sébastien Delareux avoue avoir renoncé en lisant un devis de 170 k€ d’assurance pour ses 50 ha de vergers juste destinée à couvrir des frais de production évalués à 20 k€/ha.

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